Jacqueline Fischer « Suite Polyphonique »

Vendredi 29 mars 2024, par Mots Passants

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Jacqueline Fischer

Le titre de ces textes qui paraissent dans le numéro 31 de la revue « Possibles » est significatif, puisqu’il introduit l’idée que les voix s’expriment, et notamment les voix féminines. Thème universel, éternel, en ce que le mot « voix » lui-même est féminin. Il y aurait aujourd’hui bien des raisons de célébrer ces voix puisqu’elles s’élèvent enfin librement sur les pouvoirs exorbitants dont se réclament les hommes pour les tenir sous la domination de leurs désirs.
Mais il y a dans ce texte d’autres références, que je vous laisse découvrir...


VOIX

"Et de ces voix jumelles, m’extirper pour faire entendre la mienne propre. Ma musique particulière. Singulière, à travers ces murmures tressés mesurant tout, dans la clepsydre de leurs gouttes cristallines ou criardes parfois, du temps qu’il fait au temps qui passe.
— Dans l’harmonie et la dissonance.« _ … »Ainsi je vis, hantée de voix. La voix des hommes capte parfois ma confiance et mon amitié, mon amour même. Si je me sens vibrer dans les intonations de celui qui me parle, j’en ressens souvent un émoi qui n’a rien de musical, et que je tais par bienséance. Mais il est là. Ainsi quand j’eus vingt ans, un homme, que j’avais croisé des dizaines de fois sans le remarquer, s’empara de mon cœur sans méfiance, en deux phrases qui n’avaient rien pourtant de romantique. Il est vrai, la voix seule n’eût pas suffi, mais c’est sur moi un ensorcellement dont je ne sais et ne veux me défendre, ni me déprendre.
Souvenir d’un inconnu aussi qui, me téléphonant par mégarde, m’appela « Christine » avec tant de chaleur et d’amour dans le son de sa voix que je m’entendis lui répondre que non je n’étais pas Christine, et que je le regrettais bien. Et d’autant plus que les hommes qui m’ont aimée ou cru le faire n’ont jamais prononcé mon propre prénom avec ces inflexions ardentes. Ainsi vont les ironies de la vie. Qu’ils se rassurent, je ne leur en veux pas, et leurs mots tendres chuchotés valent à mes yeux, tout autant.
Voix de ma mère au téléphone qui à chaque fois qu’elle décrochait disait : « Bonjour ma fille » avec cette énergie gaie qui me donnait courage. Jusqu’au jour où sa voix me dit cette autre voix qui l’appelait vers l’au-delà, dans le jardin et, à ce moment, je sus que c’en était fini pour elle en notre brouhaha."

Jacqueline Fischer

 

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