« Lam »

Vendredi 5 février 2010, par Rose Calou

Je me souviens
D’une vieille chinoise édentée, accroupie sur le trottoir devant la boutique délabrée.
Les enfants qui sortaient de l’école la frôlaient sans la déranger.
Perdus dans un fouillis de rides jaunes, les yeux noirs de la vieille chinoise ne les voyaient pas.
Les yeux minuscules fixaient un horizon lointain.
Bien trop lointain pour l’imagination bornée des écoliers.

De la bouche édentée,
Interminablement,
Une chanson-mélopée :
Lam’ sim’ lam’ pam’ poume
Fais dodo tit fille Ah Choune !
Dans le hamac de sa jupe, le « tit baba » de monsieur Ah Choune
Face de lune grimaçante quand s’arrêtait l’étrange refrain.

Je me souviens
D’une fillette qui se pressait sur le chemin brûlant
Vers la case où l’attendait parfois, sublime goûter :
Une galette de « lam’sime » !
Incroyable et barbare parfum
de farine de maïs roussie au saindoux, caramélisée au sucre roux,
sur feu de bois !

Je me souviens
Du cri de ralliement de Nénène brandissant la poêle noire :
Lam’sime lé prêt !
Attention marmailles, lé chaud !
Des parts scrupuleusement égales dans les feuilles de bananier.
Oh ! Luxe !

Luxe à jamais perdu.
Perdues,
La vieille chinoise et la boutique
Et la recette vraie du Lam’sime
Et tant de choses d’autrefois !

Pas perdu, l’étrange refrain
dont j’ai bercé mes enfants
endormis dans le hamac de ma jupe :
Lam’ sim’ lam’ pam’ poume !
Fais dodo z’enfants d’Nicole !

— Rose Calou

 

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