Tiré de son dernier recueil, paru chez Bruno Doucey Éditions sous le titre
« l’alphabet des ombres », ce poème :
VOICI LA MAISON D’ENFANCE
Voici la maison d’enfance.
Je pousse la porte grise,
j’entre dans ce qui fut la cuisine,
désormais sombre et vide.
On dirait que dans le silence
l’ai tendrement frémit
comme si volait au plafond
un papillon ou une chauve-souris naine.
Odeur d’ail et de rose fanée.
Ici il y avait la table et les trois chaises
et là l’évier, le placard et la cuisinière.
Une silhouette vague et comme transparente
est assise immobile, puis se tourne vers moi,
celle d’un homme qui lentement lève une main
et dont les lèvres bougent :
mon père, je le sais, qui tente de me dire
ce qu’il ne m’a jamais dit,
qui en vain s’efforce de parler,
mais je n’entends pas même un murmure.
Enfin, comme une fumée que le vent tourmente,
la silhouette tremble un peu et s’efface.
Plus tard, je l’ai revu au crépuscule, sur la colline.
Il marchait.
Il portait sur ses épaules un enfant.
Jean Joubert.