Dante Alighieri, le poète du 27 octobre

Mardi 27 octobre 2015, par Jean Gelbseiden

Li occhi dolenti per pietà del core
hanno di lagrimar sofferta pena
si che per vint son remasi omai.
Ora,s’i’ voglio sfogar lo dolore,
che a poco a poco a la morte mi mena,
convenemi parlar traendo guai.
E perché mi recorda ch’io parlai
de la mia donnam mentre che vivia,
donne gentili, volante con vui,
non voi parlera altrui,
se non a cor gentil che in donna sia ;
e dicerò di lei piangendo, pui
che sin’è gita in ciel subitamente,
e ha lasciato Amor meco dolente.

Ita n’è Beatrice in l’alto cielo,
bel reame ove li angeli hanno pace,
e eta con loro, e voi, donne,ha lassante :
no la ci tolse qualité di gelo
né di calore, comme l’altre face,
ma solo fue sua gran benignitate ;
ché luce de la sua umilitate
passò li cieli con tanta verjuté,
che fé maravigliar l’etterno sire,
si che dolce disire
lo giunse di chiamar tanta salute ;
e fella di qua giù a sé venire,
perché vedea ch’esta vita noiosa
non era degna di sì gentil cosa (…)


À présent que les yeux, compatissant au cœur,
Ont tant souffert de pleurs qu’ils en restent vaincus,
Je ne sais plus parler que par lamentations
Pour épancher le mal qui me mène à la mort.
Puisque je me souviens qu’à vous, gentilles dames,
J’aimais bien parler d’elle au temps qu’elle vivait,
Je n’en veux plus rien dire à nulle autre qu’à vous
Sinon au gentil cœur que je sais cœur de femme
Et ce n’est qu’en pleurant que je parlerai d’elle,
Elle qui si soudent s’en est allée au ciel,
Ne laissant près de moi que l’amour endeuillé.

Béatrice est partie dans les hauteurs du ciel,
Royaume dans lequel les anges vont en paix,
Et pour être avec eux elle vous a laissées.
Ni le froid ni le chaud comme il advient aux autres,
Ne nous en ont privés. Mais seulement l’éclat
De son humilité. Sa bonté passe au ciel
Avec tant de vertu que l’éternel Seigneur
S’émerveilla de voir si douce volonté
Et voulut rappeler à lui un tel salut.
Il l’éleva, voyant que notre pauvre vie
N’était pas digne assez de tant de gentillesse (…)

— Dante Alighieri
(extrait de
« Vita Nova », XXXI, 3)

 

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