Zbigniew Herbert, poète du 27 septembre

Dimanche 27 septembre 2015, par Jean Gelbseiden

LES MAÎTRES ANCIENS

Les Maîtres Anciens
se passaient de noms

Les blancs doigts des Madones
leur étaient signature

ou bien les roses donjons
della città sul mare

ou les scènes de la vie
della Beata Umiltà

ils se dissolvaient
dans sogno
miracolo
crocifissione

ils trouvaient leur refuge
sous la paupière des anges
dans les collines des nues
dans l’herbe drue du paradis

ils se noyaient sans retour
dans l’or des voûtes célestes
sans le moindre cri d’effroi
sans réclamer mémoire

la surface de leurs tableaux
est lisse comme un miroir

ce miroir n’est pas nôtre
c’est le miroir des élus

je vous appelle Maîtres Anciens
aux durs moments de doute

faites que je me dépouille
des écailles serpentines de la morgue

faites que je demeure sourd
aux tentations de la gloire

Je vous appelle Maîtres Anciens

Maître de la Pluie de la Manne
Maître des Arbres Brodés
Maître de la Visitation
Maître du Sang Sacré.

Zbigniew Herbert

 

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1 Message

  • Zbigniew Herbert, poète du 27 septembre 15 octobre 2015 19:49, par Nicolas Courbey

    Les maîtres anciens…
    Quels sont-ils sinon ceux qui, pour Herbert, ont su rester dans le sacré et la perfection, de manière presque sacrificielle, loin de la vulgarité d’âme et d’esprit…
    Voilà pourquoi notre poète, maître contemporain qui doute de lui-même, fait appel à eux, afin d’éviter des travers tels que les moments — reparlons-en ! — de doute, le mépris (« la morgue »), et les « tentations de gloire ».
    Peut-être pour, lui aussi, devenir « Maître de la pluie et de la Manne / Maître des arbres brodés / Maître de la Visitation / Maître du sang sacré »
    Tout cela n’est-il pas touchant d’humilité de la part d’un poète qui avoue son besoin d’être guidé par ces « maîtres anciens », ces phares ?
    Et voici pourquoi j’aime particulièrement ce poème.

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