Tudor Arghezi, le poète du 18 septembre

Vendredi 18 septembre 2015, par Jean Gelbseiden

Inclassable poète roumain, tant par son langage libéré que par ses sources d’inspiration, francophone pourtant, au point de traduire Villon, La Fontaine, Baudelaire ou Rimbaud (tiens le revoilà…), ce poète semble resté coincé entre l’œuvre d’un Eminesco ou plus récemment d’un Gheracim Luca, dont nous aurons sans aucun doute l’occasion d’évoquer l’œuvre.
C’est d’autant plus dommage que son écriture originale et sa thématique sont les témoins d’un parti pris délibéré de se distinguer des écoles ou des dictats imposés par les tendances, qui ont été actuelles et incontournables, et qui tombent aujourd’hui dans la banalité commandée par l’oubli des modes passées.

Bref un moment de jouissance à passer en compagnie de Tudor Arghezi, né en 1880 et mort en 1967. Nous parlons ici d’un temps que les moins de vingt ans n’auraient pu connaître si Mots Passants, maladivement attiré par la publication systématique de poètes jusque-là délaissés, n’avait pas, une fois encore, laissé traîner son nez dans la collection Orphée, véritable rivière de pépites à découvrir.

BERCEUSE POUR MITZURA

Fais-lui place au soleil, Seigneur,
Et sa hutte en la terre vieille,
Fais-la si haute qu’une fleur
Et plus étroite qu’une oreille.

Place un oeil d’eau sur le perron,
Un canot plus fin qu’allumette,
Que ton ciel, l’infini sans fond
Tiennent dans cette simple miette.

Mets-y le papillon câlin,
Et la grenouille d’émeraude.
Et, dans un bois d’absinthes plein,
Fais que sa hutte reste chaude.

Donne-lui, Seigneur, des couleurs
Et le précieux papier de Chine,
Pour que, sous ses doigts barbouilleurs,
Ta gloire en taches se dessine.

Et quand tu auras fait tout ça,
Place près d’elle son papa.

— Tudor Arghezi

 

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