J.M.G. Le Clézio « Désert »

Lundi 22 juin 2015, par Nicolas Courbey

Découverte ou relecture, qu’importe quand il s’agit d’un des écrits les plus significatifs du nouveau Prix Nobel de Littérature, Français de surcroît.
Le désert, vous le savez sans doute, mérite d’être parcouru pour les richesses insoupçonnées qu’il recèle : la moindre goutte d’eau participe à la floraison des plantes, à la vie d’animaux qu’on pourrait croire systématiquement voués à la mort. Ainsi « Désert » nous réserve-t-il un trésor féminin, Lalla, dont l’accouchement est un modèle de littérature. Un livre, en somme, qui malgré son titre est loin d’être désertique…

Il faut lire (ou relire) « Désert », de Le Clézio. C’est un véritable chant pour la vie. Dans ce livre, l’auteur met en parallèle deux histoires : celle de Lalla, « l’héroïne » de ce roman — qui est aussi un poème — et celle des gens du désert. C’est ici que se joue la victoire de la spiritualité sur la barbarie et l’ignorance crasse d’une certaine civilisation, à propos de ce qui est réellement humain.

Dans son odyssée, Lalla part du désert pour retourner au désert. Et dans cette même odyssée, d’enfant elle devient femme. Son histoire est, symboliquement, semblable à celle de ces « gens du désert », puisqu’elle connaît (à Marseille en particulier) l’hôtel de passes, le fait de devenir une cover-girl fameuse, etc… pour revenir au désert, et accoucher de son enfant, comme sa propre mère l’avait fait d’elle : seule, sur le sable nu et chaud, se tenant à un arbre.

Les « gens du désert » dont, parallèlement, nous parle Le Clézio ici, musulmans conduits par leur chef et maître spirituel Ma el Aïnine (l’Eau des Yeux), sont poursuivis par les chrétiens (les colons français) qui les méprisent, puisqu’ils ne pensent qu’à les asservir ou à les tuer, et croient qu’ils ne peuvent être que de la « racaille ». Ils n’ont donc aucun respect pour eux… Et c’est ici que ces musulmans migrants — forcés — du désert apparaissent comme bien supérieurs aux colons français car ils montrent, comme Lalla dans son odyssée, une conception de la vie faite de plénitude (ou de désir de plénitude) et de foi, qui s’oppose à une autre fondée sur le non-respect de l’autre, le rapport de domination, l’amour de l’argent et du « faussement vital ». Les gens du désert pourchassés par les colons veulent vivre « la vraie vie, la vie telle qu’elle est » (cela semble exister, au moins ici), qui est la simple mais difficile harmonie de l’homme avec la nature — le monde… — et Lalla la retrouvera.

Le Clézio nous redonne confiance en l’homme : encore capable d’authenticité, de beauté et de véracité… Et cela, avec ce style à la fois simple (mais jamais simpliste), pur, sensuel, spirituel et poétique (sans jamais tomber dans la fausse poésie, celle qui « en rajoute »). Si cela avait été écrit autrement, cela aurait pu n’être qu’un ratage, un mauvais livre. Remercions l’auteur de nous rendre la confiance en la nature humaine, en ces moments où elle nous manque de plus en plus, et cruellement…

J.M.G. Le Clézio « Désert », Gallimard

 

Donnez-nous votre sentiment sur ce texte, en cliquant sur ce lien :

Réagir à ce texte

ainsi vous rendrez le site plus interactif par vos contributions, merci d’avance.