Conscience de la brièveté, désintérêt de la chose religieuse ne sont pas les seules caractéristiques de l’écriture poétique de Philip Larkin ; le doute autour du savoir de l’Homme l’assaille, lui qui, en tant que bibliothécaire, saisit toutes les occasions de remise en question des connaissances qu’il accumule.
« Ignorance » met en évidence cette « condition humaine », rapprochant ainsi ses réflexions de la célèbre phrase de Socrate : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »
IGNORANCE
Strange to know nothing, never to be sure
Of what is true or right or real,
But forced to qualify : Or so I feel,
Or : Well, it does seem so,
Someone must know.
Strange to be ignorant of the way things work :
Their skill at finding what they heed,
Their sense of shape, and punctual spread of seed,
And willingness to change ;
Yes, it is strange,
Even to wear such knowledge — for our flesh
Surrounds us with its own decisions —
And yet spend all our life on imprecisions,
That when we start to die
Have no idea why.
NON-SAVOIR
Étrange de ne savoir rien, de n’être jamais certain
De ce qui est vrai ou juste ou réel
Mais d’être obligé d’ajouter : Ou je le sens ainsi
Ou : Bon, il semble bien ;
Quelqu’un doit savoir.
Étrange d’être ignorant de ce qui fait marcher les choses :
De leur aptitude à trouver ce qu’il leur faut
Avec leur prescience de la forme, leur ponctuelle diffusion
De semences, et leur complaisance au changement ;
Oui, c’est étrange.
Même d’être habité d’un tel savoir — car notre chair
Nous cerne de ses propres décisions —
Et passer pourtant notre vie entière sur des imprécisions,
Au point de n’avoir, quand nous commençons à mourir,
Aucune idée du pourquoi.