Philip Larkin, poète du 12 juin

Vendredi 12 juin 2015, par Mots Passants

Conscience de la brièveté, désintérêt de la chose religieuse ne sont pas les seules caractéristiques de l’écriture poétique de Philip Larkin ; le doute autour du savoir de l’Homme l’assaille, lui qui, en tant que bibliothécaire, saisit toutes les occasions de remise en question des connaissances qu’il accumule.
« Ignorance » met en évidence cette « condition humaine », rapprochant ainsi ses réflexions de la célèbre phrase de Socrate : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »


IGNORANCE

Strange to know nothing, never to be sure
Of what is true or right or real,
But forced to qualify : Or so I feel,
Or : Well, it does seem so,
Someone must know.

Strange to be ignorant of the way things work :
Their skill at finding what they heed,
Their sense of shape, and punctual spread of seed,
And willingness to change ;
Yes, it is strange,

Even to wear such knowledge — for our flesh
Surrounds us with its own decisions —
And yet spend all our life on imprecisions,
That when we start to die
Have no idea why.



NON-SAVOIR

Étrange de ne savoir rien, de n’être jamais certain
De ce qui est vrai ou juste ou réel
Mais d’être obligé d’ajouter : Ou je le sens ainsi
Ou : Bon, il semble bien ;
Quelqu’un doit savoir.

Étrange d’être ignorant de ce qui fait marcher les choses :
De leur aptitude à trouver ce qu’il leur faut
Avec leur prescience de la forme, leur ponctuelle diffusion
De semences, et leur complaisance au changement ;
Oui, c’est étrange.

Même d’être habité d’un tel savoir — car notre chair
Nous cerne de ses propres décisions —
Et passer pourtant notre vie entière sur des imprécisions,
Au point de n’avoir, quand nous commençons à mourir,
Aucune idée du pourquoi.

Philip Larkin

 

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1 Message

  • Philip Larkin, poète du 12 juin 19 juin 2015 16:50, par Jacky Trotereau

    Du temps :

    La modestie dans ce texte me renvoie à mes propres réflexions sur une dimension, celle du “temps” qui passe et ne s’arrête pas : éternel, je l’imagine plutôt comme fixe, fond de scène invisible devant lequel se déroule le théâtre de la vie...
    Nos cinq sens ne suffisant pas à appréhender tout ce qui « est », reste le pouvoir de l’imagination...

    Ah ! ce besoin de comprendre, de donner forme à tout, jusqu’à l’absence de matière...

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