Nous ne pouvions aborder la poésie de Philip Larkin sans faire allusion à la brièveté de ses amours qui furent, paraît-il, nombreuses et variées. Mais cette brièveté est vécue aussi dans le sentiment du regret qui en découle…
XXIV
Love, we must part now : do not let it be
Calamitous and bitter. In the past
There has been too much moonlight and self-pity :
Let us have done with it : for now at last
Never has sun more bold paced the sky,
Never were hearts more eager to be free,
To kick down worlds, lash forests ; you and I
No longer hold them ; we are husks, that see
the grain going forward to a different use.
There is regret. Always, there is regret.
But it is better that our lives unloose,
As two tall ships, wind-mastered, wet with light,
Break from an estuary with their courses set,
And waving part, and waving drop from sight.
XXIV
Lors, mon amour, il nous faut séparer : ne laisse pas
L’amour devenir amer et calamiteux. Il y a eu trop,
Dans le passé, de clair de lune et d’apitoiement de soi :
Allez, disons que c’en est fini : cette fois du moins car
Jamais le soleil dans le ciel n’a plus hardiment arpenté,
Jamais les cœurs n’ont été plus attachés à leur liberté,
Pour culbuter les mondes, cingler les forêts ; toi et moi
N’arrivons plus à les contenir ; étant la balle qui voit
Que le grain de blé s’en va vers un autre emploi.
Il y a du regret. Toujours, c’est sûr, il y a du regret.
Mais il vaut mieux que nos vies l’une de l’autre soient sevrées,
Tels deux navires de haut bord, maîtres du vent et mouillés d’or,
Débouchant d’un même estuaire ont leur cap déjà bien en vue,
Se saluent, donc se séparent, se saluent, se perdent de vue.
— Philip Larkin, traduit par Jacques Nassif aux éditions Orphée La Différence