Dimitris Tsaloumas, poète du 26 mars

Jeudi 26 mars 2015, par Jean Gelbseiden

Voici comment est définie la poésie de Dimitris Tsaloumas dans l’introduction qui précède les poèmes du recueil « Un chant du soir », et présenté par Helen Nickas : « Tandis que Séféris, Ritsos, Elytis et beaucoup d’autres poètes en Grèce écrivaient dans le cadre d’un courant littéraire, Tsaloumas créait dans lle vide, coupé de tout courant supporté par un quelconque centre ; en suspension quelque part entre deux courants littéraires et deux cultures : l’australienne et la grecque (en Grèce) sans prendre part à aucune. Et pendant que ses compagnons grecs-australiens écrivaient dans le confort d’une communauté grecque en Australie, Tsaloumas ne pouvait même pas avoir ce petit plaisir, quoique paradoxal, d’appartenir à un cercle quelconque. »
Ce qui explique sans doute la liberté de ton du poète, son inspiration souvent originale, et sa nostalgie de l’île natale, Léros ; nostalgie dont il dira, toujours selon Helen Nickas : « quoi que j’aie pu voir et faire dans ce vaste monde, cela ne pouvait avoir de sens qu’en référence au microcosme des années passées sur l’île. »


CHANSON D’HIVER

L’hiver fut long à venir cette année
mais maintenant il est là, pour de bon.

Il s’est installé dans le salon et se balance
tel un talmudiste dans son fauteuil

jambes enveloppées dans une couverture, l’air sévère.
Quand sa barbe raidit avec le froid

il s’endort. C’est dur de
passer la journée sans un mot de sa part.

Quand les nuages se disloquent, le soleil
passe sa langue sous la porte

et l’étale d’un bon yard sur le plancher :
pendant un moment, des lueurs de neige scintillent

jusqu’au fond de la pièce. C’est alors
que le cri monte au cerveau.

Quand le ciel est livide, la neige se met
à tomber doucement sur le tapis, comme des gestes

rapportant les mots de ces jours de
conversation. Parfois, dans l’après-midi

assombri, j’essuie un bout de vitre et m’assieds
à l’heure des vêpres pour regarder les cloches,

chaussées de mocassins, progresser par le square
sous les fils télégraphiques épinglés d’oiseaux noirs.

Elles s’aventurent rarement jusqu’à la porte.
C’est la saison des sons assourdis, bouchon d’oreille

ultime. Les robinets s’égouttent dans la maison.
je peux le dire par la stalactite au-dessus

de l’évier. Sa longueur au matin
m’informe de la durée de la nuit.

Dimitris Tsaloumas

 

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