Laurent Tailhade, suite 5

Mardi 20 janvier 2015, par Jean-Marc Émery

Dans ce texte fort en sensualité, Laurent Tailhade, le provocateur irrévérencieux, nous offre un autre visage de son talent. Il ose, en des temps ou cela n’allait pas de soi, un érotisme dont la douceur quasi romantique n’enlève rien à la force d’évocation, sans doute taxée de pornographique de son vivant. Au passage, il rend à l’épigramme, à une époque qui le dédie plutôt à la satire et à la caricature, une forme perdue, souvent érotique ou enjouée, celle que lui donnaient les Grecs anciens.


ÉPIGRAMMES


I

Je te donne ces fleurs, où j’ai mis un baiser
Aussi profond que mon amour, pour les poser
Entre tes seins de fraise ainsi que dans un vase,
Afin que, cette nuit, à l’heure de l’extase,
Quand, sur les longs divans qui moulent ton beau corps
Tes voiles tomberont comme de vains décors,
Je sente se mêler en des apothéoses
Le parfum de ta chair et le parfum des roses.


II

Puisque pour chanter tes savantes paresses
Tu livres ton beau corps à mes longues caresses
Et que, sur les coussins embaumés et soyeux
S’étalent les splendeurs de ton flanc glorieux,
Laisse, reine d’amour, sur tes blancheurs de cygne
Ramper de lourds baisers qui, pareils à la vigne,
Te couvriront si bien d’âpres enlacements,
Que tu verras tes bras avec tes seins charmants
Se convulser sous les étreintes savoureuses
Et frissonner longtemps nos lèvres amoureuses

Laurent Tailhade

 

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