Michel Baglin, poète du 31 juillet

Mercredi 31 juillet 2013, par Mots Passants

Découverte, découverte chaque jour renouvelée, chaque jour enchanteresse, tant les bons poètes abondent…
Et surtout lorsqu’il s’agit de les découvrir par l’intermédiaire des Éditions Bruno Doucey. Décidément cet éditeur symbolise de plus en plus, à mes yeux, la caverne d’Ali Baba de la poésie, surtout depuis qu’il m’a confié le Sésame qui en ouvre la porte ! Et tant pis, si je ne m’en souviens pas à la sortie, si d’aventure il me prenait envie d’en sortir !
Cette fois Michel Baglin m’entraîne à la découverte de ses trésors d’écriture, et voici ce qu’il en dit sur la 4e de couverture du recueil « Un présent qui s’absente » :
« On me dit que la poésie n’est qu’une affaire de langage mais je sais bien moi que le chant des hommes est un sang qui revigore le mien, qu’il m’aide à mieux embrasser le paysage, à sentir plus fort, à voir plus grand et que le moindre poème m’aura donné du large ».
Qu’on en juge, pour le moins, par le poème qui suit…

VIATIQUE

J’emporterai du pays des vivants le viatique des ombres
qui s’allongent vers le soir,
des aboiements de chiens
dans le lointain,
tout ce banal entraperçu
qui leste les passagers du quotidien :
des cabanes à lapins dans les jardins triangulaires
des gardes-barrières,
un gosse penché sur une écluse,
deux vélos emmêlés sur un talus.
J’emporterai venus d’un temps de lenteur,
de rareté des choses,
des images pauvres comme lichen de vieux ciments,
des roses trémières poussant au secret
d’une arrière-cour de ville,
les pavés disjoints d’une venelle s’offrant
aux herbes rebelles,
et le rafraîchissant discours matinal
des caniveaux de Paris transformés en torrents.
j’emporterai des notes de graminées dans le soleil,
et l’étonnement des vaches ruminant leur candeur
près du ruisseau content de sa prairie,
un viaduc abandonné dans un pays reculé
où les trains ne vont plus,
les pierres chaudes de la garrigue et la sarriette
parfumant nos écuelles de randonneurs,
le gouffre de l’oeil doux sous le bleu sans fond
d’un été ressuscité dans une odeur de pin.
J’emporterai des fruits d’autres saisons,
une lumière de neige sur les eaux grises d’un lac,
des clapotis de berges dentelées de gel
quand les canards gardent la tête sous l’aile,
une joggeuse embuée sur un chemin de halage,
sous la treille déplumée, le banc vide des absents,
la nostalgie et ses mascarets alors même
qu’il ne sera plus temps de la récuser.
J’emporterai un peu de ce que j’aurai tenté
d’approcher sans savoir toujours ce que je cherchais,
en foulant le sable des matins du monde
dans l’ivresse et la solitude de l’estran,
en croyant reconnaître l’enfance
dans le vent qui tourmente
quand on ne sait comment répondre à son chant.

— Michel Baglin

 

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