Sassi Dehmani est un poète lybien vivant en France.
Au vu de l’actualité internationale tragique concernant la Lybie, nous aurions pu choisir des moments plus cléments pour vous faire découvrir l’écriture de ces peuples ensanglantés par les meurtriers de leur liberté. Mais il n’est, paraît-il, jamais trop tard pour bien faire...
Mise à jour : Sassi Dehmani est décédé en 2019, on trouve une biographie plus détaillée sur le site de l’association AFAFA.
En prélude à l’un de ses poèmes, voici l’introduction que Sassi Dehmani a écrite en exergue de son recueil « Imnarem » :
La poésie questionne l’histoire et l’existence. C’est une lecture
dans l’amour et la révolte. J’ai ainsi cherché l’oiseau et les
roches, le ciel et l’étoile sur le nid des fruits où habite la poésie.
Peut-être le mot « poème » est-il plus lourd que la roche de Sisyphe,
et le poète est alors celui qui la porte éternellement sur son
dos ; il marche pour chercher la lueur dans vos regards. Car les
nations naissent dans le jardin de la parole.
Nul ne sait où elle nous mène. Le chagrin de l’existence brûle
les limites jusqu’à l’infini où l’homme-poète est seul debout face
au désert et au centre de la vie des peuples.
Le défi est d’avoir aimé la poésie et d’être tombé dans le feu
de la création pour ouvrir une fenêtre aux opprimés, enseigner
au blé le rêve des nuages et à l’argile l’amour des fleurs.
Quelle poitrine prononcera le poème de demain, de quelle
roche la lumière jaillira-t-elle ?
— Sassi DEHMANI, 3 juin 1999, Toulouse
Et voici l’un de ses poèmes :
CHAQUE AUBE
Des poèmes sont versés dans vos miroirs
L’eau mûrit dans vos paumes
Quels que soient vos chagrins d’amour
Quels que soient vos chagrins de transe
D’où galopent vos peines de cœur
D’où commencent vos chants de rebelle
De cet oiseau noir
De cet oiseau blanc
Tous ceux qui savent l’horizon
Sont perdus sur vos dunes
Chaque aube revient
Un homme rempli de forces
Et de corail forgé de vos sueurs
Mais qui a dit :
Vous êtes stériles
Pourtant vous êtes mères
De toutes les roches du ciel
Mères de tous les aigles bleus
Qui errent sur vos poitrines
Mères de toutes les gazelles
Qui dorment dans vos girons.
Chaque aube revient
Reines encerclées
Sommeil et blessure
Sécheresse et barbelés
Ville de cuivre
Et reines de lumière
Chaque aube revient
Les vaisseaux de vos jardins
Papillons et mouettes
A vos fenêtres
Reviennent
Un homme rempli de forces
Et de corail forgé de vos sueurs
Annonce vos confins
De la bouche de cet oiseau noir
De la bouche de cet oiseau blanc.
Chaque aube revient
La reine de la fable
Tin-Hinan
Le murmure de la révolte
De l’Azawad
De Tamanrasset
De Ghadamès
O mères nuageuses
Mères de tous les rois
Amoud, Kawsen et Amestan
Mères de mon printemps
J’avoue
Blessé d’amour
J’avoue
Blessé d’aile
Chaque aube revient
Un homme rempli de forces
Et de corail forgé de vos sueurs
Narre vos chagrins.